“Antichrist Superstar” de Marilyn Manson : l’oeuvre démentielle d’un mégalo unique.

En 1995, le monde découvre un artiste métal au look étrange qui reprend à son compte un tube des 80’s : “Sweet dreams” mais en lui donnant une dimension politique inattendue, le tout dans une ambiance assez malsaine. Produit par le génie Trent Reznor, ce garçon déguinguandé c’est Marilyn Manson, frontman d’un groupe qui porte son nom (enfin, son pseudo, il s’appelle Brian Warner dans le civil) et qui impose son concept : dresser un portrait au vitriol de l’Amérique tout en cultivant une image provocante et vulgaire prompte à choquer le puritain moyen et fédérer les ados. Avec ce 3ème album, il veut créer un truc unique, jamais entendu dans le genre. Ce sera donc un opéra-rock s’inspirant de Nietzsche, qui dressera le portrait d’un homme qui va muter pour devenir la réincarnation du Diable et détruire l’humanité. Ambitieux. Le résultat constitue une pièce maîtresse de l’histoire de la musique.

On ouvre avec “Irresponsible hate anthem“, son riff d’intro strident et un rythme tonitruant, sans parler de son refrain court mais explicite. Les paroles sont tranchantes, la rythmique sublime et on est très vite dans le ton de l’album. “The beautiful people” deviendra un hit planétaire et imposera la patte Manson dans le monde. Intro électrique, refrain mortel, paroles ironiques et acides, le titre raconte le début de la mutation du héros vers quelque chose de plus puissant. “Dried up, tied and dead to the world” est plus sombre et complexe, avec une guitare électrisante et une ambiance générale très malsaine. La piste suivante, “Tourniquet“, est un morceau charnière et calme quelque peu le jeu. Toujours ces guitares grasses mais des couplets plus calmes et un refrain tourmenté le tout sur un rythmique presque planante. Voilà qui clôt le 1er cycle. L’arrivée de l’Antichrist est annoncée, on va pouvoir assisté à la transformation du héros en une rockstar déjanté.

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Taillé pour cartonner en live, “Little horn” inaugure cette transformation. Très électrique et punchy, court et intense. “Cryptorchid” qui le suit est un peu plus complexe : ambiance travaillée, sons électroniques très présents, voix aérienne et un final qui répète en boucle une phrase déterminante pour la suite. Il marque l’avènement de la créature naissante, qui s’affranchit de toute autorité. Dans “Deformography“, la créature est devenue une star. La collaboration à la musique de Twiggy Ramirez et Trent Reznor donne une ambiance assez étrange, dans laquelle la guitare rampe tel un serpent en fond avant de mordre dans un break exceptionnel et très lourd. La patte Reznor ressort plus que jamais dans ce titre quand la voix de Manson multiplie les montagnes russes. “Wormboy” est un morceau plus léger, qui passe presque inaperçu mais dont le message est assez fort.  Dans la chanson suivante, “Mister Superstar“, Manson dresse un portrait peu flatteur de sa propre personne et réfléchit sans concession sur le principe de la célébrité. Musicalement, c’est là encore assez brillant, avec une guitare qui tourne en boucle dans les couplets avant d’exploser (tout comme la voix) dans les refrains. Final apocalyptique qui illustre l’impasse dans laquelle se trouve le héros. “Angel with the scabbed wings” en est la suite directe (suggéré par un mixage superposant les 2 titres) et le héros se révolte contre son état. “Kinderfeld” renoue avec le calme mais se révèle assez traître puisqu’il précède l’avènement du Surhomme. Madonna Wayne Gacy s’en donne à coeur joie avec ses sons électro, reléguant la guitare en arrière plan. Mais elle va faire son retour dans le 3ème et dernier cycle, celui de la destruction.

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Et pour ouvrir ce cycle, le groupe a concocté un de ses morceaux qui a forgé leur légende et qui ouvre la plupart des live : “Antichrist superstar“. L’intro est devenue mythique, avec sa guitare lourde, sa batterie en rythme et ses choeurs fédérateurs. On tutoie le sublime et on comprend que la fin approche et qu’elle ne laissera personne en un seul morceau (généralement, c’est la 3ème vertèbre qui saute à force de headbanger). On enchaîne avec le morceau le plus violent de la carrière du groupe : “1996“. Manson y vomit son dégoût de tout (morceau à mettre en corrélation la fameuse scène “Fuck you” du film “La 25ème heure”). Rien ne sera épargné, tout doit être détruit. Pourtant, avant la destruction finale, Manson ménage son monde avec “The minute of decay“. La guitare opère quelques montées mais dans son ensemble, ça reste calme, prenant l’auditeur à contre-pied. Final magnifique et déchirant. Vient ensuite un de mes morceaux préférés du groupe. La 1ère fois que l’ai entendu, j’en ai été scotché. Le refrain est juste une tuerie, le rythme est infernal, la guitare vous strie les tympans et le riff rageur vous faire littéralement décoller. “The reflecting God” est un authentique chef d’oeuvre, comme on en avait jamais entendu. Là encore, le duo RamirezReznor cartonne. Et comme les paroles atteignent des sommets de violence… On conclut avec “The man that you fear“, fausse ballade qui illustre la fin de l’Antéchrist. Mélodie sublime, voix magnifique (Manson n’a jamais aussi bien chanté), un morceau mélancolique et sombre qui s’achève dans le chaos. Le disque continue à coups de pistes de 4″ avant la conclusion, bande-son bizarroïde qui veut faire croire à une discussion entre Manson et une créature inaudible (le Diable) et qui se termine de la même façon que l’album commence. La boucle est bouclée donc sans fin.

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Il en résulte au final un album d’une complexité rarement atteinte, aux interprétations infinies, blindé de références, aux thématiques riches, crée dans une ambiance noire et épique, d’une richesse telle que ça pourrait faire l’objet de 3 chroniques (renvoi de Daisy Berkowitz, avortement de la petite amie de Manson, frictions incessantes entre Reznor et Manson et j’en passe), il est temps de conclure (d’ailleurs, si vous avez commencé à lire cet article à 23h00, il sera très exactement 1h et 8 minutes à la fin de cette phrase). L’album cartonnera partout dans le monde, les fans l’érigeront au sommet du genre, le phénomène est lancer et si la mégalomanie de Manson peut être agaçante, son intelligence, sa grande culture, son audace et sa volonté de suivre ses envies ne peuvent qu’être saluées. Et tant pis si aucun de ses albums suivant n’égalera ce chef d’oeuvre absolu.

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